Lettre d’automne 2 

17.10.2018

dans quelques jours/presque heures
s’achève ce mois de résidence
un mois c’est pas rien
c’était lent quelques fois
c’était courir d’autres fois
humide pluvieux très ensoleillé ou lumineux
parfois juste silencieux
comme arrêté le temps
comme souvent au début
le sentiment de n’avoir rien à faire là
et puis cette première rencontre qui rassure tout
ces accidents miraculeux
la lettre de J.
la lecture de sa lettre par quelqu’un d’autre l’improvisation de J. avec le jeune R. qu’il rassurait du froid de la mort à venir quoiqu’il arrive le petit papier de M-C non voyante et sa plus grande joie écrite malgré tout ailleurs de jeunes adolescents convaincus par toutes les émotions qui les traversent
aussi difficiles qu’elles soient à nommer
vraiment c’est si pur si beau
la conviction d’avoir déjà tant vécu tant aimé tant pleuré
je les ai vu désireux curieux attentifs
quel plaisir à transmettre
mais surtout à confirmer auprès d’eux :
chacun est capable de tout
la beauté c’est pour tout le monde c’est en chacun
à chacun sa manière
j’ai aussi pris le temps près de dames à la vie longue
82 à 89 ans
quelques questions sur un papier
des questions simples
presque rien ces questions devant tant d’années
et puis la jeunesse la maladresse
peu importe
je me suis dit
mes questions finalement pour plein de gens ça ne veut rien dire
je dois réfléchir à ça
« votre plus grand rêve ? »
« est-ce que quelque chose vous manque, vous a manqué ? »
il y a des gens pour qui tout ça
ça ne veut rien dire dans une vie
et ce n’est pas grave
il y avait tant d’autres choses
pour P. par exemple ça voulait rien dire un grand rêve
quand Citroën s’est terminé pour elle
elle s’est mise à fumer à 56 ans pour ne pas chialer
avant ça
elle assemblait des freins de voiture à la chaîne
jusqu’au jour où son bras s’est bloqué
« que ça s’arrête c’était très difficile à supporter
ah ça oui c’était vraiment bien
l’ambiance qu’il y avait
ça j’adorais
vraiment j’adorais »
P. ce qu’elle avait aimé plus que tout au moins autant que son mari rencontré sur les remparts de la ville pendant une course de vélo
c’était cette ambiance là bas
c’était dans ça qu’elle trouvait sa raison
qui pourrait dire quoi
Bourdieu Marx ou qui tu veux
c’était comme ça c’était ça pour elle
j’ai avancé sans voir pendant un mois
et voilà
l’ébauche de l’objet artistique qui ressemble le plus à ma vie à ce que j’espère pour ma vie au théâtre pour la vie tout court
réunion de personnes sensibles
C’est demain jeudi 18 octobre
À 20h30 salle 2 de la médiathèque
personne ne sait ce qu’il va se passer véritablement
peut-être même qu’il ne se passera rien
chaque réunion sera unique
le protocole est évolutif

Mark